Le caractère fervent de tes études aurait requis que je n'eusse pas à interrompre de longtemps ce loisir studieusement philosophique, si la confiance que nous avions en nos amis et alliés de longue date n'avait à présent abusé la quiétude de ma vieillesse. Mais puisqu'un destin fatal veut que je sois inquiété par ceux sur qui je me reposais le plus, force m'est de te rappeler pour protéger les gens et les biens qui sont confiés à tes mains par droit naturel.
Car, de même que les armes défensives sont inefficaces au-dehors si la volonté n'est en la maison, de même vaines sont les études et inutile la volonté qui ne passent pas à exécution, grâce à la vertu, en temps opportun et ne sont pas conduites jusqu'à leur accomplissement.
Mon intention n'est pas de provoquer mais d'apaiser, ni d'attaquer mais de défendre, ni de conquérir mais de garder mes loyaux sujets et mes terres héréditaires sur lesquelles, sans cause ni raison, est entré en ennemi Picrochole qui poursuit chaque jour son entreprise démente et ses excès intolérables pour des personnes éprises de liberté.
Je me suis mis en devoir de modérer sa rage tyrannique, de lui offrir tout ce que je pensais susceptible de le contenter ; j'ai plusieurs dois envoyé des ambassades amiables auprès de lui pour comprendre en quoi, par qui et comment il se sentait outragé. Mais je n'ai eu d'autre réponse de lui qu'inspirée par une volonté de défiance, et une prétention au droit de regard sur mes terres. Cela m'a convaincu que Dieu l'Eternel l'a abandonné à la gouverne de son libre arbitre et de sa raison privée. Sa conduite ne peut qu'être mauvaise si elle n'est continuellement éclairée par la grâce de Dieu qui me l'a envoyé ici sous de mauvais auspices pour le maintenir dans le sentiment du devoir et l'amener à la réflexion.
Aussi, mon fils bien-aimé, quand tu auras lu cette lettre, et le plus tôt possible, reviens en hâte pour secourir non pas tant moi-même (toutefois c'est ce que par piété tu dois faire naturellement) que les tiens que tu peux, pour le droit, sauver et protéger. Le résultat sera atteint avec la moindre effusion de sang possible et, si c'est réalisable, grâce à des moyens plus efficaces, des pièges et des ruses de guerre, nous sauverons toutes les âmes et renverrons tout ce monde joyeux en ses demeures.
Très cher fils, que la paix du Christ, notre rédempteur, soit avec toi.
Salue pour moi Ponocrates, Gymnaste et Eudémon.
Ce vingt septembre,
Ton père, Grandgousier.
Source : https://lesmanuelslibres.region-academique-idf.frTélécharger le manuel : https://forge.apps.education.fr/drane-ile-de-france/les-manuels-libres/francais-premiere ou directement le fichier ZIPSous réserve des droits de propriété intellectuelle de tiers, les contenus de ce site sont proposés dans le cadre du droit Français sous licence CC BY-NC-SA 4.0